Dans les quartiers populaires, analyse de la dégradation de l’accès à l’alimentation  – Enquête auprès de 700 personnes

Une large consultation sur tout le territoire

Dans le cadre du renouvellement des contrats de ville, l’association VRAC a mené un travail d’enquête auprès de ses adhérent·es d’avril à octobre 2023 dans le but de contribuer à la plateforme Quartier 2030 (mise en place par l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires). L’enquête a porté sur 12 territoires : Bordeaux, Brest, Hauts-de-France (Villeneuve-d’Ascq, Roubaix, Lille et Tourcoing), Lyon, Paris, Marseille, Montpellier, Nantes, Toulouse, Rennes, Strasbourg et dans la Drôme (Valence et Loriol-sur-Drôme).

Des échanges avec près de 500 adhérent·es de l’association et 150 habitant·es vivant dans des quartiers populaires permettent de dresser un bilan de la réalité de l’accès à l’alimentation aujourd’hui et des difficultés rencontrées par les personnes.

Des constats alarmants

Difficulté d’accès, augmentation des prix, arbitrages cornéliens entre l’alimentation et la santé… les difficultés sont nombreuses. En résulte le développement du sentiment d’une alimentation à deux vitesses : une alimentation pour les personnes les plus pauvres non choisie, synonyme d’une moindre qualité et indigne (produits qui s’abîment très vite, manque d’hygiène des lieux de vente…) et une alimentation choisie et synonyme de plaisir pour les plus aisés.  

L’environnement alimentaire influence également les possibilités d’approvisionnement des personnes. L’offre en produits frais et de qualité est particulièrement limitée dans ces quartiers, avec une présence forte de discounters, de fastfood, et de revendeurs sur les marchés de plein vent. Et lorsque l’offre disponible dans le paysage alimentaire ne convient pas (ou est absente), les personnes sont obligées de mettre en place des stratégies d’achat les obligeant à se rendre dans plusieurs lieux et quartiers, des pratiques coûteuses en énergie et en temps. « Je mets 1h pour aller dans un autre quartier acheter des produits frais » »  explique Henry, adhérent à Paris.

 Cette problématique s’accompagne parfois de difficulté de déplacement ou d’isolement spatial : 15% des adhérent·es de l’association indiquent ne pas pouvoir se rendre en transport en commun ou à pied dans leurs lieux d’approvisionnement

En raison de l’inflation et de la hausse des prix, les habitant·es notent une détérioration de l’accès à l’alimentation. Parmi les adhérent·es de l’association, plus d’une personne sur deux ne peut pas acheter toute l’alimentation qu’elle souhaite, en raison d’un budget limité (66,8% des personnes), de difficultés de déplacement (14,2%) ou d’un manque de temps ou de matériel (11,4%), menant à des arbitrages sur la qualité de la nourriture, et même la quantité. Une réalité vécue par Josiane, 76 ans, Marseillaise : « vu l’inflation les prix augmentent, l’alimentation est « l’élastique » entre ce qu’on est obligés de dépenser: le logement, l’énergie, les charges… ».  Chris, habitante de Rillieux-la-Pape abonde : « bien manger c’est la galère. Je suis au RSA. Je trouve des combines pour la viande avec barquette de courte péremption à 1€ mais ça n’existe plus… Je suis madame Prix : y a certaines choses que j’achète chez Aldi, d’autres chez Inter, d’autres Lidl même pour gagner 50 centimes ».  

Des propositions créatives pour un meilleur accès à l’alimentation

Première proposition des habitant·es, diversifier et améliorer l’offre disponible : rendre accessible physiquement et économiquement les produits frais et de qualité et améliorer la diversité de commerces de bouche (dont l’accès aux produits exotiques), notamment en favorisant l’installation

des producteurs locaux sur les marchés. Par exemple, multiplier les groupements d’achat, créer des épiceries proposant des produits frais et locaux en bas d’immeuble…

Deuxième proposition, créer des espaces de lien social autour de l’alimentation permettant de se retrouver tout en étant adaptés aux besoins de chacun·e. Pour les enfants des ateliers cuisine de découverte des saveurs, pour les personnes âgées des lieux de rencontre en journée…

Enfin, les habitant·es souhaitent la création de lieux de cuisine et de restauration partagés, ouvert à toutes et tous, avec des produits de qualité et des invendus, permettant de cuisiner mais également vecteurs de lien social. Par exemple, VRAC a développé la MESA (maison engagée et solidaire de l’alimentation) à Lyon, un tiers alimentaire au cœur d’un quartier populaire.