En 2019, les groupements d’achat de VRAC, initialement créés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, s’ouvrent à un nouveau public afin d’élargir l’accès à l’alimentation de qualité : les étudiant·es. Retour sur le développement et les spécificités de ces groupements au cœur des universités.
C’est en 2018 que les premières réflexions autour de la création de groupements d’achat sur les campus voient le jour. Si l’objectif de VRAC est de permettre un accès de toutes et tous à une alimentation de qualité, alors les étudiant·es sont autant concerné·es que les habitant·es des quartiers populaires. En 2015, un rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) pointe la problématique : 19,1% des étudiants français vivent sous le seuil de pauvreté tandis qu’ils sont 23% à déclarer être en difficultés financières.
La même année, les étudiant·es interrogé·es par l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE), dans le cadre de son enquête sur la santé des étudiant·es, sont 16% à déclarer sauter des repas lors d’une semaine de cours pour cause de raisons financières. Au-delà des aspects financiers, des contraintes psychologiques (stress…), matérielles (équipements…), temporelles (cours, job, etc) et culturelles (compétences et savoir-faire culinaires, etc) viennent jouer sur l’accessibilité et la qualité des aliments consommés par les étudiant·es.
Le COVID n’est pas encore d’actualité mais les constats sont déjà préoccupants et poussent l’association à élargir son champ d’action. Les premiers groupements d’achat sont d’abord créés sur les campus de la métropole lyonnaise. Aujourd’hui 4 associations du réseau en animent, à Bordeaux, Rennes, Strasbourg et Lyon. Retour sur leur développement et les éléments différenciant ces groupements de ceux des quartiers prioritaires lors d’un échange avec Anaïs Mainfray, coordinatrice de VRAC Rennes Métropole et Joachim Robert, ancien chargé de développement de VRAC Universités à Lyon et actuel référent du projet chez VRAC France.
S’adapter à un nouveau public
En travaillant au développement de ces nouveaux groupements, VRAC a fait le choix de conserver un fonctionnement similaire à celui des groupements historiques. Les étudiant·es doivent faire leur commande sur une période donnée de deux semaines. Ils récupèrent ensuite leur commande, quelques jours plus tard, à une date précise lors d’une distribution sur le campus ou dans un lieu proche. Un fonctionnement qui permet à l’association de gérer ses stocks, de commander les produits en fonction des commandes réalisées et de ne pas avoir de perte de denrées. Pour autant, en développant le projet, Joachim découvre la difficulté que les étudiant·es peuvent avoir à anticiper leurs commandes, l’équipe travaille donc à « réduire le temps entre la commande et la distribution, allant jusqu’à 2 jours avant la livraison pour passer les commandes ».
Se pose également la question du lieu de distribution. Dans un quartier, la réponse est assez simple, les adhérent·es habitent proches du lieu de distribution et peuvent plus aisément rapporter leur commande chez eux. Les étudiant·es n’habitent pas forcément sur les campus qui sont parfois excentrés. Lorsque les étudiant·es vivent dans le centre-ville, cela implique qu’ils·elles doivent garder leur commande toute la journée. Des ajustements sont donc réalisés pour simplifier leur approvisionnement, comme l’ouverture à Lyon d’un lieu de distribution à la Maison des Étudiants, dans le 7ème arrondissement, plus central.
Joachim explique que des questionnements similaires se posent sur l’heure de la distribution. « Si on fait la distribution à midi, l’étudiant garde les courses toute la journée, si c’est le soir, aucun étudiant ne termine à la même heure… » alors les chargé·es de mission expérimentent, essaient différents créneaux, échangent avec les étudiant·es pour comprendre les besoins…
Au-delà d’ajustements sur le fonctionnement, une seconde problématique émerge rapidement : beaucoup d’étudiant·es changent chaque année de ville d’étude. Les groupements universitaires perdent donc chaque année un nombre important d’adhérent·es, ce qui se traduit par des efforts plus lourds en termes de mobilisation. Une réalité nouvelle que les équipes ne rencontrent pas dans les quartiers populaires où le taux d’attrition est beaucoup plus faible. Pour faire face, elles s’associent aux structures présentes et travaillent parfois avec des étudiant·es qui, dans le cadre de projets d’étude, réfléchissent à des stratégies de mobilisation.
Une complémentarité parmi les acteurs présents sur les campus
Les premiers groupements voient le jour à Lyon à 2019. L’année scolaire est donc est interrompue par le premier confinement. Les distributions s’arrêtent un temps puis reprennent. Cette période est marquée par la mise en lumière de situations très précaires pour les étudiant·es. 79% des étudiant·es qui se tournent vers l’aide alimentaire le font alors pour la première fois.
Dès septembre 2020 et pour s’adapter à cette période exceptionnelle, VRAC bénéficie du soutien de plusieurs partenaires pour distribuer des bons d’achat permettant aux étudiant·es de commander des produits de qualité à prix très réduits. A Lyon et Bordeaux, plus de 200 étudiant·es commandent pour la première fois à VRAC grâce à ces actions.
Aujourd’hui, la situation est encore critique et de nombreuses associations continuent les distributions gratuites ou à prix très réduits sur les campus, comme les AGORAé initiées par La Fage. Pour autant, les initiatives présentes sont très complémentaires, c’est d’ailleurs ce qui a motivé Anaïs Mainfray et l’équipe de VRAC Rennes dans l’ouverture d’un groupement sur l’université Rennes 2. Elle explique qu’il y avait un besoin pour « accompagner les étudiant·es qui ne sont pas en grande précarité, donc pas dans le public cible de l’épicerie gratuite, des étudiant·es qui ont peu de moyens mais qui cherchent aussi des bons produits, de la qualité, du local… et pour qui une épicerie bio conventionnelle reste trop cher ». Certain·es étudiant·es se rendent à l’épicerie gratuite et commandent également quelques produits complémentaires à VRAC. A Rennes, VRAC a également travaillé son catalogue en fonction des produits proposés par l’AMAP déjà présente sur le campus. Une manière de travailler avec les autres acteurs associatifs au service des besoins des étudiant·es.
C’est l’attractivité des prix sur des produits de qualité qui mènent les étudiant·es à réaliser une première commande à VRAC, autant que la dimension solidaire et écologique du projet. Lison, adhérente à VRAC Universités Lyon depuis septembre 2021, explique ainsi qu’elle profite des commandes à VRAC pour acheter de grosses quantités, qu’elle partage avec ses colocataires. Elle achète également son alimentation dans une épicerie coopérative mais « VRAC reste moins cher » alors elle alterne, met en place des stratégies entre les différents lieux d’achat, achète ce qu’elle peut à VRAC chaque mois puis complète ailleurs jusqu’à la commande le mois suivant…
Perrine, adhérente à VRAC Rennes, abonde dans le même sens. Elle souhaitait déjà se tourner vers une alimentation plus durable lorsque l’association s’est installée sur le campus, désormais « VRAC est la solution la plus accessible en termes de coût et de qualité des produits et c’est un gain de temps car c’est à l’université, ça permet d’être plus écologique avec un petit budget ». Elle constate même des changements sur ses habitudes alimentaires puisqu’elle a « remplacé les petits snacks hyper sucrés de supermarchés par des fruits secs ». Elle conclut simplement « je mange donc plus sain ».
Le souhait d’inscrire les groupements étudiants dans la vie associative
VRAC Rennes Métropole se développe sur deux types de territoires très différents, les campus et les quartiers populaires. Pour autant, l’association se donne comme objectif de créer des liens entre les deux publics, d’autant que l’Université de Rennes 2 se situe en proximité directe avec le quartier de Villejean, QPV, sur lequel VRAC Rennes a également créé un groupement d’achat. Les habitant·es quartiers sont déjà bien intégré·es à la vie du projet, Anaïs réfléchit donc désormais à des rencontres permettant à chacun·e de se connaître, notamment « des ateliers cuisine » et l’organisation d’une « animation avec les boulangers qui fournissent l’association pour permettre aux étudiant·es et adhérent·es quartier de participer au processus de fabrication du pain ».
Au-delà des animations, la participation des adhérent·es au projet associatif est primordial pour VRAC. Cela passe par la participation aux distributions en tant que bénévole ou aux commissions d’adhérent·es (choix des produits, suggestion sur le fonctionnement) ou même en siégeant au conseil d’administration. Les groupements universitaires sont encore récents mais la réflexion est en cours concernant leur intégration à la vie associative de chaque structure.
A Lyon, Lison a quant à elle prévu d’être bénévole pour le concours de cuisine que VRAC Universités Lyon organisera le 13 mai 2022, une manière pour elle de poursuivre son engagement dans une association qui « correspond à ses valeurs ».
Les groupements sur les campus sont encore récents et les confinements successifs ont ralenti leur développement. Les échanges sont donc nombreux entre les 4 associations de Lyon, Rennes, Bordeaux et Strasbourg pour réfléchir au développement du modèle. C’est aussi la force du réseau animé par VRAC France, partager les bonnes pratiques et accompagner les réflexions pour renforcer cette dimension du projet.
Le projet VRAC Universités est soutenu au niveau national par la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS), la fondation Unitiative, la fondation Famaé et la Fondation la France s’engage.