Lutter encore et toujours pour une alimentation de qualité dans les quartiers

10 ans. Cette année cela fait 10 ans que VRAC est installée au cœur des quartiers populaires, et depuis peu en zone rurale et sur les campus universitaires. L’intuition de départ supposant une volonté des habitants et habitantes des quartiers populaires de vouloir eux aussi accéder à des produits alimentaires de qualité s’est rapidement révélée exacte ! Retours sur les raisons de l’installation au cœur de quartiers populaires, souvent oubliés lorsqu’on pense le développement de filières alimentaires de produits de qualité, c’est-à-dire locaux, produits en agroécologie et équitables pour les producteurs et productrices.

Des déserts alimentaires, première entrave à l’achat de produits de qualité

Au cœur des quartiers, la variété des circuits de distribution alimentaire est vite résumée : quelques magasins hard discount, petites épiceries de dépannage et marchés de plein vent proposant des produits provenant de l’autre bout du monde, ou au moins de l’Europe. Certes, on ne peut pas transposer de manière exacte l’expression de désert alimentaire, définie par les géographes états-uniens comme des espaces où les habitant·es de zone urbaine se trouvent à plus de 1,6 km du supermarché le plus proche (et 16 km en milieu rural) et où au moins 20% de la population vit sous le revenu médian, mais le principe est facilement adaptable à la situation française.

La plupart des quartiers populaires n’ont pas d’accès à des commerces de qualité. On observe par exemple dans les quartiers prioritaires de la ville un accès moindre aux fruits et légumes frais. En Ile-de-France, on compte 0,32 commerce proposant des produits frais pour 1 000 habitant·es, contre 0,37 en moyenne . La problématique n’est pas identique en zone rurale, avec des producteurs et productrices plus facilement accessibles d’un point de vue géographique mais le frein financier demeure une réalité.



Des attentes pour des produits de qualité qui traversent les classes socioéconomiques

Face aux difficultés économiques et géographiques, il serait aisé de supposer un non-intérêt des personnes qui vivent les plus grandes situations de précarité pour les produits de qualité. Un tel discours vient par ailleurs justifier une politique attentiste qui exclut les plus précaires et favorise le système alimentaire et agricole dominant. Pourtant, l’intérêt est bien réel et traverse les classes socioéconomiques.

Selon une récente étude de l’IDDRI, 11% des personnes les moins diplômées déclarent acheter régulièrement des produits bio, contre 18% des plus diplômés . Et parmi les personnes déclarant consommer plus de 50% de leur alimentation en bio, 20% touchent moins de 1200€ par mois . D’ailleurs, la propension des foyers à faire évoluer leurs pratiques alimentaires pour limiter leur impact environnemental semble stable, quel que soit leur revenu. Consommer des produits de qualité n’est donc pas l’apanage des plus riches.

A la MESA, maison engagée et solidaire pour l’alimentation, située dans le quartier populaire Santy (Lyon 8ème arrondissement) où le taux de pauvreté atteint presque 33% contre environ 14% en moyenne en France, l’intérêt des habitant·es pour des produits de qualité est évident. Inaugurée en octobre 2022 à l’initiative des associations VRAC Lyon Métropole et Récup & Gamelles, le lieu est composé d’une épicerie et d’une cantine solidaire ainsi que d’une cuisine partagée avec les habitant·es pour mener des ateliers de cuisine et de sensibilisation, notamment antigaspi.

6 mois après l’ouverture, plus de 300 foyers ont déjà adhéré au projet dont près de 85% résident dans un quartier prioritaire de la métropole, en logements social ou sont étudiants. Et parmi ceux-ci, près de 15% bénéficient du tarif « coup de pouce », ces personnes sont en situation de plus grande vulnérabilité économique et sociale et sont redirigées par un·e assistant·e social·e, une structure de lutte contre la précarité…


L’inflation comme amplificateur des inégalités

Dans un contexte d’inflation atteignant des records, avec une hausse de plus de 14% sur les produits alimentaires en un an, se tourner vers des aliments de qualité semblerait devenir accessoire. La hausse est d’autant plus forte pour les personnes les plus précaires puisque les produits premiers prix sont les plus impactés. Les taux de marge pratiqués sur ces produits sont inférieurs et la hausse du coût des matières premières, de l’énergie ou des emballages se fait d’autant plus sentir, on observe ainsi une hausse de plus de 18,5% en un an.

S’il est difficile pour le moment de quantifier l’effet de l’inflation sur l’achat de produits de qualité pour les personnes aux revenus les plus limités, on note toujours dans le réseau VRAC un intérêt constant des habitants et habitantes. Entre 2021 et 2022, le chiffre d’affaires des associations du réseau a augmenté de plus de 20% et le nombre d’adhérent·es atteint presque 7000 foyers. L’année passée, ce sont plus de 300 tonnes de produits qui ont été vendus (contre 225 en 2021). Un engouement qui montre bien l’intérêt pour les produits de qualité à condition qu’il soit plus accessible, en relocalisant une offre au cœur des quartiers et en mettant en place des conditions monétaires plus favorables.

Nombreux sont d’ailleurs les adhérents et adhérentes qui peuvent enfin acheter les produits qu’ils et elles souhaitent, comme le résument Fatima, adhérente à VRAC & Cocinas Montpellier « ici, on trouve de bons produits, bien moins chers que dans d’autres magasins » ou Giovanni, adhérent à VRAC Lyon Métropole « avant, on achetait quelques produits bio mais on faisait un peu la grimace en voyant les prix, à VRAC cela devient bien plus accessible ».



L’inflation est une réalité palpable et touche d’abord les personnes en précarité mais il est impératif de ne pas encourager les enjeux courtermistes qui justifient le maintien d’un système alimentaire et agricole à bout de souffle et dont on connaît les limites sociales et environnementales.

Au contraire, continuons de soutenir les initiatives de démocratie alimentaire existantes qui placent au centre de leurs actions la participation des personnes et d’œuvrer pour la refonte du système agricole et alimentaire afin que les produits alimentaires de qualité puissent enfin être accessibles à toutes et tous.