VRAC Bordeaux coordonne un collectif pour concilier l’accès à une alimentation de qualité et la lutte contre le changement climatique

La défense d’une alimentation et d’une agriculture plus durable au regard des enjeux écologiques et humains fait partie intégrante de la raison d’être de VRAC. Dans un contexte d’urgence climatique, la question de l’alimentation est cruciale puisqu’en France, l’agriculture et l’alimentation représentent la seconde source d’émissions de gaz à effet de serre mais également une menace dont les personnes les plus pauvres seront les premières impactées.

En Gironde, confrontés au double enjeu d’une une transition des modèles alimentaires vers plus de justice sociale et d’accélérer la lutte contre le changement climatique, plusieurs acteurs se sont réunis pour créer le collectif Acclimat’action.

Pour structurer la réflexion et construire des réponses, deux dynamiques collectives, initiées par VRAC Bordeaux sur la métropole bordelaise et par Saluterre sur le pays Foyen se sont rejointes début 2020. Une dizaine d’acteurs de l’éducation populaire, de l’économie sociale et solidaire, du travail social ou de la recherche scientifique se sont ainsi réunis dans le collectif Acclimat’action. Ces derniers agissent depuis plusieurs années dans les quartiers populaires pour faciliter l’accès de toutes et tous à une alimentation durable et de qualité (groupements d’achats à prix coûtant, bistrot solidaire, supermarché coopératif, cuisine de rue…).

Ils y ont constaté une dégradation des conditions socioéconomiques des habitant.e.s en parallèle de celles de la situation écologique.
Peu avant que la crise sanitaire ne vienne appuyer ces constats, le collectif s’est refusé de choisir entre l’urgence sociale et l’urgence climatique et s’est donc posé les questions suivantes : comment, au-delà de ses activités, « faire plus » pour la transition alimentaire dans un contexte d’urgence sociale ? Quel accompagnement proposer aux habitant·e·s dans les quartiers populaires dans la perspective d’une alimentation accessible qui réponde aux enjeux climatiques ?

Un projet qui conjugue recherche universitaire et étude de terrain

Accompagnés par des chercheurs en psychologie sociale, épidémiologie, sciences de l’éducation et anthropologie, le collectif Acclimat’action agit à deux niveaux :

  • La sensibilisation à l’évolution des pratiques alimentaires sous l’angle de l’accessibilité et du changement climatique (2021) : par l’expérimentation de 3 types de sensibilisation par le jeu et la vulgarisation scientifique, par la pratique et les façons de cuisiner et par la communication ;
  • L’amélioration des conditions d’accès à une alimentation durable et de qualité afin de s’adapter au changement climatique dans un esprit de justice (2022) : en construisant et expérimentant des formes plus poussées de démocratie alimentaire locale (nouveaux lieux dédiées à l’alimentation, partenariats mangeurs/producteurs, propositions de politiques publiques et interpellation des décideurs).

Le collectif Aclimat’action a souhaité porter un projet qui permettrait à la fois d’identifier les leviers du changement de pratiques alimentaires suivant le contexte socio-culturel et économique des personnes, mais aussi de créer des ressources pédagogiques facilement utilisables par d’autres acteurs associatifs.


Un premier temps d’étude et de maturation du projet

La méthodologie du projet repose sur les principes de la recherche-action : tous les participant·e·s du projet alternent une posture d’acteur et de chercheur, le travail est défini chemin faisant, et les connaissances produites ont un but de transformation sociétale et d’utilisation directe par les acteurs de terrain.

Entre décembre 2020 et mars 2021, le collectif a réalisé une première étude sur les représentations alimentaires par le biais de micros-trottoirs, puis un questionnaire sur la perception du changement climatique dans plusieurs quartiers populaires. Questionner les personnes sur l’alimentation et le climat a constitué une entrée en matière concrète et a aidé dans la conception pédagogique des parcours de sensibilisation au changement de pratiques alimentaires dans la première phase d’expérimentation (voir plus bas).

Ces travaux et les échanges qui ont suivi ont confirmé que l’impact climatique de l’alimentation est encore peu identifié et que la consommation individuelle constitue un pas, parmi les nombreux nécessaires à un changement systémique. Ils ont confirmé à une échelle micro ce qui est déjà identifié par des études macro, à savoir que les personnes les plus pauvres sont celles qui polluent le moins.

Par ailleurs, les personnes se sentent concernées par l’urgence climatique si on leur demande mais n’ont pas accès aux discours scientifiques et médiatiques qui le véhiculent. L’enquête sur la perception du changement climatique, sera poursuivie par des étudiants de l’université de Bordeaux afin d’atteindre un seuil de représentativité et d’approfondir les analyses.

Sensibiliser par le jeu : premier retour d’expérience du parcours de sensibilisation Acclim’à table

Dans cette première phase d’expérimentation, des actions ont été menées dans différents quartiers pour sensibiliser au changement de pratiques alimentaires. Le collectif a donc imaginé des méthodes suscitant l’échange autour des pratiques individuelles alimentaires et leur empreinte carbone. Ceci en veillant à ne pas impacter le budget alimentaire des habitants et à ce que les outils produits soient formalisés et appropriables facilement par d’autres acteurs socioéducatifs non spécialistes de l’alimentation (centres sociaux, associations de quartiers, bénévoles…).

L’expérimentation par le jeu s’est traduite par la création de quatre jeux (la ficelle, le thermomètre, le loto, la cantine) conçus dans l’optique d’un cheminement vers de nouvelles pratiques alimentaires. David Fimat, salarié de l’association VRAC Bordeaux et coordinateur du collectif, partage les premiers retours des participant·e·s : « à première vue beaucoup sont surpris de l’impact de la viande rouge, il y a par exemple beaucoup de retours tels que “je le savais mais je ne pensais pas que c’était autant” ». Il ajoute que « le principe “d’émission de gaz à effet de serre” semble avoir été découvert pour un certain nombre de participant·e·s ».

Les premières impressions sont très encourageantes puisque les jeux semblent bien fonctionner : les règles sont facilement appropriables, les participant·e·s se prennent au jeu. Le parti pris d’un fil rouge sur l’empreinte carbone semble pertinent, car « cela évite de perdre les participant·e·s et pour autant n’empêche pas d’aborder la complexité du système alimentaire et les limites de cet indicateur ».

La ficelle, version simplifiée de la fresque du climat : les participant·e·s font les liens entre causes, phénomènes et conséquences.
La ficelle, version simplifiée de la fresque du climat : les participant·e·s font les liens entre causes, phénomènes et conséquences.
Lors du thermomètre, les participant·e·s se prennent spontanément au jeu de faire leur empreinte carbone après avoir faire celles de personnages.

Aborder l’alimentation sous un angle politique

Les animations créées par le collectif allient une approche individuelle afin que les participant·e·s puissent se projeter dans les changements qu’ils·elles peuvent opérer à leur échelle, tout en abordant une dimension plus globale. David explique ainsi que les « causes structurelles des problèmes d’alimentation » sont évoquées, notamment « les conditions de production agricole et les politiques publiques ». Des échanges qui vont dans le sens du projet de VRAC qui défend l’accès à une alimentation de qualité pour les personnes au revenu modeste, autant que le soutien au monde paysan, également malmené par le système agricole dominant.

Il observe que cette prise de hauteur se traduit chez les personnes par un « mélange d’indignation et d’envie d’agir » : une porte ouverte pour proposer aux participant·e·s de passer à l’action dans des collectifs, au-delà des changements qu’ils·elles peuvent opérer à l’échelle individuelle. Cette prise de conscience et cette envie d’agir vont donc constituer un terreau fertile pour proposer aux personnes de devenir elles-mêmes ambassadrices du projet auprès de leurs proches.

Prochaines étapes

« Pour 2022, la prochaine étape sera d’élaborer des propositions aux politiques publiques locales pour concilier accès à l’alimentation et urgence climatique »

5 groupes d’une dizaine de personnes ont pu tester le parcours Acclim’à table. Les effets sur les pratiques sont en cours d’évaluation (par du déclaratif, via un diagnostic en début de parcours et un autre à venir 6 mois après suivi d’un entretien), ainsi que leur contenu (via débriefing à chaud compilés, plus un bilan collectif avec tous les participant·e·s à venir).

Le collectif travaille également à la reproductibilité du programme en accompagnant les habitant·e·s et acteurs qui se sont manifestés pour animer les jeux. Ensuite, les outils d’animation seront adaptés en fonction des résultats et proposés à d’autres structures souhaitant s’impliquer sur cette thématique.

Un bilan collectif aura lieu début 2022, réunissant toutes celles et ceux ayant participé au parcours Acclim’à table ainsi qu’à la sensibilisation par la cuisine de rue et par la communication. Cette prochaine étape permettra au collectif Acclimat’action de se projeter sur l’expérimentation d’un parcours d’engagement « vers une démocratie alimentaire ». « L’objectif de ce parcours prévu pour 2022 sera ici d’élaborer des propositions aux politiques publiques locales pour concilier accès à l’alimentation et urgence climatique » conclut David Fimat.

Résultats des défis du jeu « la cantine »

Ce projet est soutenu par l’ADEME, la Région Nouvelle Aquitaine, la Fondation Carasso, la Fondation Européenne pour le Climat, Bordeaux Métropole, le Conseil Départemental de Gironde et la Ville de Bordeaux.